Depuis l’arrivée de ses cousins proches, le CELI et le CELIAPP, j’ai l’impression qu’on laisse la poussière s’accumuler sur le bon vieux REER. Peut-être est-ce dû à certains mythes qui lui collent encore à la peau, ou simplement parce qu’il n’est plus aussi tendance que ses jeunes homologues. Pourtant, le REER reste l’outil de modulation fiscale par excellence.
Dans certaines situations, notamment pour une jeune famille, le bon montant au bon moment peut décupler rapidement. Même si cela peut paraître ennuyeux et pas très sexy, la fiscalité est souvent plus importante que le rendement.
Ceci n’est pas un conseil financier
Avant d’aller plus loin, je rappelle que ceci n’est pas un conseil financier. Les chiffres mentionnés ici sont basés sur certaines hypothèses, dans le but de dresser une illustration théorique d’une situation, afin de donner un ordre de grandeur.
Les dominos fiscaux
Le REER a le potentiel d’être le premier domino qui déclenche une réaction en chaîne. La déduction pour cotisation à un REER permet de reporter du revenu dans le temps, modifiant ainsi, aux yeux des autorités fiscales, le montant que vous avez gagné dans une année donnée.
Supposons que vous vivez seul et gagnez le salaire médian des 25-54 ans au Québec, soit environ 60 000 $ par année. Votre taux marginal d’imposition, c’est-à-dire le pourcentage d’impôt appliqué sur vos derniers dollars gagnés, s’élève à 36,12 % (combiné fédéral de 17,12 % et provincial de 19 % pour 2024). Mais la fiscalité ne s’arrête pas à l’impôt; elle inclut aussi un ensemble de programmes sociaux.
Lorsqu’une personne salariée de 60 000 $ choisit de placer 10 % de son revenu (6 000 $) dans son REER, les gouvernements considèrent alors qu’elle a gagné 54 000 $. L’impôt sera donc réduit, mais les programmes comme le crédit de TPS et le crédit de solidarité seront aussi bonifiés. De cette façon, bien que le taux marginal soit de 36,12 %, le retour d’impôt estimé s’élèverait à 2 534 $, soit 42,2 %!
Si cette même personne est monoparentale avec deux enfants de moins de cinq ans, le retour pourrait dépasser les 50 %, voire 60 %! Une fois la cotisation effectuée et le remboursement d’impôt reçu, il est ensuite possible de réinvestir ce montant, par exemple, dans le REEE des enfants.
Maintenant, imaginons une cotisation exceptionnelle de 15 000 $ de la part de cette personne. Aux yeux des autorités fiscales, c’est comme si elle avait gagné 45 000 $ pour cette année-là. Ses allocations familiales, son crédit de solidarité, son crédit de TPS, et son retour d’impôt seront tous bonifiés. Mais ce n’est pas tout. En raison de cette baisse de revenu aux yeux du fisc, elle bénéficiera aussi de davantage d’aide pour les cotisations au REEE de ses enfants.
Combien de plus? La combinaison des subventions SCEE de base, SCEE supplémentaire, IQEE de base, IQEE supplémentaire, et du Bon d’études canadien peut atteindre jusqu’à 56 %. Presque le double du 30 % de base, qui est déjà excellent. Le tableau 1, à la page 13 du mémoire de Nicolas Bolduc, illustre bien les seuils de revenus admissibles.
À vous de jouer
Pour les déductions REER/CELIAPP, vous pouvez modéliser votre propre situation avec une calculatrice comme celle de financesgo.com, développée par Alexandre Gougeon. Elle vous montrera même où se situe votre économie fiscale maximale.
Si vous êtes admissible au CELIAPP, plusieurs des mécanismes sont semblables, donc renseignez-vous pour savoir si vous pouvez en profiter. Si vous envisagez d’acheter une propriété dans le futur, le CELIAPP reste l’option idéale, car il offre une déduction pour cotisation, et ses rendements sont exempts d’impôt. Il pourrait être pertinent de maximiser d’abord votre CELIAPP, puis de continuer avec le REER.
Certains pourraient qualifier cet exemple d’extrême, cotiser 15 000 $ à son REER. Mais, d’un autre côté, financer une voiture de 45 000 $ avec un salaire de 60 000 $ par année est non seulement socialement récompensé, mais presque perçu comme normal. Alors, lequel des deux est vraiment extrême? Financer un véhicule qui se déprécie ou financer un véhicule d’épargne dont les répercussions seront multiples?
Pas seulement pour les vieux jours
Le REER est avant tout un outil de modulation fiscale dans le temps. Contrairement à d’autres pays comme les États-Unis, où il faut avoir 59,5 ans pour toucher à son 401K (l’équivalent du REER), il n’y a pas d’âge minimum au Canada pour commencer à décaisser son REER.
Le REER pourrait devenir votre source de revenu de substitution pour une année sabbatique. Il peut aussi être utilisé sans répercussions fiscales pour financer un retour aux études grâce au Régime d’encouragement à l’éducation permanente (REEP), qui permet de s’emprunter à soi-même jusqu’à 10 000 $ par an, sous certaines conditions.
Les avantages du REER sont multiples et peuvent se matérialiser à court, moyen et long terme. Oublions un peu son image de vieillot et reconnaissons l’effet de levier qu’il peut offrir pour atteindre divers objectifs. Sans même parler du rendement composé si le REER est bien investi (et non pas laissé dormir dans un CPG), il peut générer des retours plus que considérables. Dépoussiérons donc ce chapitre du livre de la fiscalité et donnons-lui un peu plus d’attention.
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